Les relations enfant-parents à l'adolescence

Les changements dans le relationnel enfant-parents à l’adolescence

L’adolescence est une période de bouleversement, tant dans ses manifestations physiques que psychologiques, et tant pour les parents que pour l’enfant concerné.

L’enjeu, pour ce dernier, est de devenir adulte, c’est-à-dire d’acquérir son autonomie, sur les plans comportemental, affectif et cognitif. Or, l’acquisition de cette autonomie nécessite de sortir de l’état de dépendance de l’enfance et, par-là, de se libérer du contrôle des parents.

La relation parents-enfant va donc s’en trouver bouleversée, et cela sous l’influence de changements de nature interne (changements corporels, intellectuels, affectifs de l’enfant) mais aussi externes (regard de l’environnement social sur l’adolescence). Au bout de ce processus, s’il se déroule de façon satisfaisante,  la relation enfant-parents se trouve réaménagée.

A l’origine, la puberté

La puberté désigne un processus de maturation physique avec développement des caractères sexuels secondaires sous l’effet de la maturation du système nerveux central qui libère les hormones sexuelles. On la situe en général entre 12 et 18 ans pour le garçon, 10 et 16 ans pour la fille, mais l’âge de début et la période des changements sont très variables. C’est une période qui peut être longue : entre 2 et 6 ans, mais, en moyenne, elle est plus rapide chez les garçons que chez les filles.

Dans les années 70, la puberté jouait un rôle central dans la transition entre enfance et adolescence, et les hormones étaient rendues responsables des comportements adolescents, tels que les conflits avec les parents, l’humeur maussade, l’agressivité, etc. Or, l’âge de la puberté coïncide avec la scolarisation au collège, dont l’entrée en 6ème constitue l’accès à un nouveau monde, et de nouvelles règles de fonctionnement, tant scolaires que sociales, se mettent en place, ce qui constitue d’importants changements dans la vie des jeunes adolescents. Quid alors de l’influence des hormones et de celles de l’environnement  sur leur comportement ? Aujourd’hui, on reconnaît l’importance de l’influence de l’environnement sur ces comportements. On s’accorde donc maintenant  pour considérer la puberté non plus comme le point de départ ou la cause unique des changements de l’adolescence, mais plutôt comme un processus qui l’accompagne et on considère le regard porté par la société sur les adolescents comme aussi important que le processus biologique. A cet égard, d’ailleurs, on peut relever une nette différence garçon-fille : chez les garçons, la puberté entraîne un développement de la musculature et d’autres signes virils qui sont valorisés, et qui apportent un désavantage social lorsque la puberté est plus tardive que la normale. Chez les filles, au contraire, une puberté avancée marque une différence qui n’est pas valorisée, alors qu’une puberté plus tardive est mieux considérée. En revanche, sur un point au moins, l’effet de la puberté se révèle semblable pour les deux sexes : il s’agit de l’intérêt pour l’autre sexe, qui grandit avec la maturation pubertaire.

L’adolescent prend ses distances

La maturation liée à la puberté et au développement cognitif de l’adolescent sont la source des changements de la relation qui devient moins proche et plus conflictuelle. En effet, l’adolescent développe de nouvelles capacités cognitives qui lui permettent de percevoir ses parents de manière désidéalisée, de porter un  jugement à leur égard, et donc de les contester en argumentant de manière logique.

Au plan comportemental et émotionnel, on assiste à une mise à distance progressive : réduction de la communication, autonomisation dans la prise de décision et prise en charge du contrôle de ses conduites.

Et les parents ?

Ces évolutions mènent progressivement l’adolescent vers l’indépendance et  l’autonomisation. Quant aux parents, ils évoluent, en réponse à l’évolution de leur enfant, vers une  délégation des décisions qui le concernent. Cependant, l’âge auquel est attribuée cette délégation varie selon le milieu socio-culturel.

Mais concéder ce pouvoir n’est pas facile pour les parents qui vivent une remise en question permanente de leur relation à l’adolescent, d’où l’apparition de conflits, des conflits en général plus nombreux avec la mère car elle se situe au centre de la vie quotidienne et parce qu’elle est affectivement plus proche que le père. L’intensité de ces conflits serait maximale au milieu de l’adolescence.

Pourquoi ces conflits semblent-ils inévitables ?

Selon certains chercheurs, les conflits  seraient le seul moyen dont disposeraient les adolescents pour amener leurs parents à réajuster leur niveau d’exigence et de contrôle à leur encontre. En règle générale, le conflit ne va pas jusqu’à la rupture des liens d’attachement, il reste modéré et est utile au réaménagement de la relation. S’il devient violent, c’est plutôt le signe d’un dysfonctionnement familial qui découle probablement d’un relationnel existant depuis l’enfance. Par ailleurs, là aussi, on observe des différences socioculturelles : ces conflits concerneraient surtout les sociétés individualistes comme la nôtre.

Comment expliquer ces réaménagements relationnels ?

De nombreuses recherches ont étudié la qualité et l’évolution de la  relation parents-adolescent, et plus particulièrement l’impact des pratiques affectives et éducatives des parents sur le développement psychosocial de l’adolescent. A ce titre, deux points sont essentiels : la qualité de l’attachement parents-enfant et les pratiques éducatives parentales.

En effet, l’enfant, qui a noué des liens forts avec ses parents depuis sa naissance, continue d’avoir besoin de cette relation à l’adolescence malgré les distances qui se sont installées. C’est ce qui explique notamment que malgré les conflits ou désaccords qu’il peut y avoir dans la relation, l’adolescent continue d’avoir besoin du soutien de ses parents et de revenir vers eux de temps à autre : cela peut le rassurer lors de périodes délicates. Or, la qualité de ce lien à l’adolescence est le plus souvent prédite par la qualité qui a prévalu dans la petite enfance. C’est pourquoi une relation sécurisante constituera un socle d’assurance pour l’adolescent, alors qu’à l’inverse, une relation de médiocre qualité durant l’enfance comportera des risques importants d’exacerber les conflits.

Par ailleurs, malgré la prise d’autonomie de l’adolescent, les parents conservent un rôle important dans la transmission des valeurs, des normes et des codes sociaux. Les études portant sur l’efficacité des pratiques éducatives parentales ont mis en évidence la primauté d'un niveau élevé d'affection doublé d'un niveau élevé d'autorité pour le développement psychologique de l’enfant, et ce, tout au long de l’enfance, et cela jusqu’à la fin de l’adolescence.

Néanmoins, si les pratiques éducatives parentales sont essentielles, le comportement et la personnalité des enfants influencent également les pratiques des parents. La relation est donc constituée d’influences réciproques et les pratiques parentales sont à adapter au tempérament de l'enfant... C'est pour ces raisons qu'on ne peut pas donner de règle éducative stricte et que chaque famille est à considérer comme un milieu unique.